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Ce qu'on entend par innovation en Islam

Prenez garde des changements (dans la religion), car tout changement est une innovation (Bid’a) et toute innovation (Bid’a) est égarement, et tout ce qui est égarement mène en Enfer”. [Rapporté par Aboû Dâwoûd, Tirmidhî et d’autres.]

C’est une recommandation que le Prophète avait pour habitude de faire durant ses sermons. L’innovation en Islam est un sujet très controversé. Chaque année, à titre d’exemple, la célébration de la naissance du Prophète (mawlid an nabi) fait couler beaucoup d’encre. Est-ce qu’on la considère comme une innovation ? Dans ce cas, faut-il l’interdire ? 

Sans avoir la prétention de pouvoir répondre à THE question, le mag Nabawi va tenter ici de te présenter la notion d’innovation dans la religion. 

Commençons par une petite définition... 

En arabe, l’innovation se dit “bid’a”. D’un point de vue linguistique, la bid’a, c’est inventer ou créer quelque chose à partir d’un modèle inexistant, d’où la parole d’Allah Le Glorifié dans la sourate al-Baqara, verset 117: 

"بَدِيعُ السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ ۖ وَإِذَا قَضَىٰ أَمْرًا فَإِنَّمَا يَقُولُ لَهُ كُن فَيَكُونُ"  . 

“Il est le Créateur des cieux et de la terre à partir du néant! Lorsqu'Il décide une chose, Il dit seulement : "Sois", et elle est aussitôt”.

En Islam, le terme d’innovation a plusieurs définitions qui varient d’une école, d’un savant à un autre. De manière générale, on appelle “Bid’a” tout acte à caractère religieux qui n’existait pas du temps du Prophète (PBSL) car c’est uniquement durant cette époque que la Révélation a eu lieu et que le Prophète, de son vivant, pouvait expliquer ou préciser les commandements et interdits du Coran. Allah Le Glorifié dit dans la sourate al-mâ'idah, verset 3: 

"الْيَوْمَ أَكْمَلْتُ لَكُمْ دِينَكُمْ وَأَتْمَمْتُ عَلَيْكُمْ نِعْمَتِي وَرَضِيتُ لَكُمُ الْإِسْلَامَ دِينًا "

“Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J'agréé l'Islam comme religion pour vous”

Ce qui prouve que l’Islam a été “parachevé” du temps du Prophète. 

Mais dans ce cas, et si on suit à la lettre cette définition d’innovation, doit-on considérer que la compilation du Coran en entier ou la classification des hadiths qui ne se sont faites qu’après la mort du Prophète sont des actes blâmables ? Evidemment que non ! Il faut donc nuancer….  

Il y a innovation ET innovation…

Comme cité plus haut, il y a des exemples de “bonnes innovations”, utiles et nécessaires pour mieux pratiquer sa religion. Ainsi, dans le hadith mentionné plus haut “...tout changement est une innovation…”  le terme “innovation” ne doit pas être pris dans un sens absolu. En effet, d’autres hadiths viennent compléter et préciser le sens de ces paroles. Le Prophète (PBSL) a également dit :  

« Quiconque introduit dans l’Islam une pratique (sunna) louable en retirera une double récompense : la première pour l’avoir introduite, la seconde constituée par la somme des récompenses acquises par ceux qui l’auront imité(fait) après lui sans que cela ne diminue en rien leur propre récompense. Mais quiconque introduit dans l’Islam une pratique mauvaise se verra pénalisé d’une double faute : la première pour avoir introduit cette pratique et la seconde constituée par l’ensemble des fautes commises par ceux qui l’auront imité(fait) après lui sans que cela ne diminue en rien leurs propres fautes. » (sahih Muslim)

On comprend donc d’après ce hadith qu’une innovation à caractère religieux n’est pas à rejeter ipso facto . D’ailleurs, en lisant les recueils de hadîth, on se rend compte que beaucoup de Compagnons ont réalisé de nouveaux actes, de nouvelles invocations, de nouveaux Dhikr etc. que le Prophète (PBSL) n’avait jamais réalisés avant eux. 

A titre d’exemple,voilà un récit rapporté par al-Bukhârî et Muslim : 

Rifa‘a Ibn Râfi‘ (qu’Allah l'agrée) a raconté qu’un jour, au cours d’une prière en commun avec le Prophète (PBSL) comme Imâm, un Compagnon avait rajouté une invocation à haute voix après que le Prophète ait dit : sami‘a Allahu limane hamidahu. Il avait dit :

"رَبَّنا و لَكَ الحَمْد ' حَمْدًا كَثِيرًا طَيِّبًا مُبَارَكًا فِيه"

Après la fin de la prière, le Prophète (PBSL) a demandé qui avait dit cela et a dit que plus de trente anges s’étaient ‘précipités’ pour pouvoir être celui qui allait écrire cette invocation le premier.

On parle ici de la prière, l’acte rituel le plus important de notre religion ! Le compagnon en question a ajouté une invocation que le Prophète n’avait pas faite avant. Cette innovation a été acceptée et même complimentée !

On sait donc maintenant qu’il y a différents types d'innovations en Islam. Mais alors, comment les différencier ? 

La classification du Sultan des Oulémas (=savants) 

Dieu merci, beaucoup de savants aux premiers temps de l’Islam se sont longuement penchés sur la question et ont fait un travail énorme d’interprétation et d’explication de la notion d’innovation. Parmi l’ensemble des travaux produits se démarque celui du cheikh ‘Izz ad-din Ibn ‘Abdel-Ssalâm, savant syrien du XIIIe siècle surnommé le Sultan des Oulémas 

En effet, ce cheikh considère que les innovations peuvent être classées en 5 catégories, les mêmes que celles utilisées pour classer les actes dans la jurisprudence:

1.Les innovations obligatoires  (wâjib): 

La compilation du Coran en entier est une innovation nécessaire qui a été entreprise par le 1er Calife Abou Bakr (qu’Allah l'agrée) et achevé du temps du 3ème Calife ‘Uthmân Ibn ‘Affan (qu’Allah l'agrée). 

De même l’étude de la grammaire et de la lexicographie arabe (à l’époque du Prophète Muhammad, les lettres de l’alphabet arabe ب ت ث ن ي  s’écrivaient toutes de la même manière. Pour les différencier, les points diacritiques ont été ajoutés), la classification des hadîths selon leur degré de certitude(fiabilité) etc. sont classées parmi les innovations obligatoires

2.Les innovations recommandées (moustahab ou bid’a hassana)

Toutes les innovations conformes à la religion et qui permettent la propagation du savoir comme la construction d’écoles religieuses, l’écriture de livres sur le droit musulman et la science islamique en général, etc. 

3.Les innovations permises (moubah)

Cette catégorie recense davantage les actes de la vie quotidienne tels que la possession de biens matériels modernes, utiliser des couverts, manger des plats licites que le Prophète ne consommait pas, etc.

4.Les innovations blâmables (makrouh) 

Des innovations sur lesquelles des réserves ont été émises et dont il est mieux de se détourner comme la construction de mosquées trop luxueuses, à la limite du gaspillage, etc. 

5.Les innovations interdites (haram)

Toute innovation dans la croyance, toutes les activités illicites. On retrouve dans cette catégorie les doctrines malsaines et déviantes. Il s'agit aussi de toute altération consciente, volontaire et non justifiée dans le culte (qui ne trouve aucune source dans le Coran ou la sunna). 

Bien entendu, cette classification demeure un travail d’interprétation (Ijtihad) avec lequel on peut être d’accord ou non. Certains savants ne s’accordent pas sur le fait de dire qu’il existe de bonnes innovations (bid’a hasana). Pour l’éminent imam Malik par exemple, le mot "Bid'a" ne peut porter qu'une connotation négative. Ainsi, pour les nouveautés conformes à la charia, elles seront appelées pour lui "Sunna" (cf. hadith de la partie 2) et non une bid'a hasana!  

De manière générale, les nouveautés sont à considérer à la lumière du Coran et de la Sunna. Il appartient au musulman de se renseigner sur l’Ijtihad (effort de réflexion et d’interprétation) des savants en cas de doute et de toujours garder à l’esprit le comportement des compagnons qui étaient convaincus que leurs actions étaient bonnes pour l’Islam et les musulmans, à la lumière de la parole du Très-Haut: 

"يَٰٓأَيُّهَا ٱلَّذِينَ ءَامَنُوا۟ ٱرْكَعُوا۟ وَٱسْجُدُوا۟ وَٱعْبُدُوا۟ رَبَّكُمْ وَٱفْعَلُوا۟ ٱلْخَيْرَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ" 

Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien. Peut-être réussirez-vous !” (al-Hajj, verset 77)

Et Allah sait mieux !